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TLAQUEPAQUE – Rodo Padilla, l'artisan des gorditos
D'allers-retours entre Tlaquepaque et le monde, Rodo Padilla a trouvé sa voie en Orient. Formé aux techniques de la céramique japonaise, ce fils d'artisan perpétue la tradition familiale. Il est notamment reconnu pour ses sculptures de gorditos, représentant l'allégresse et la simplicité des Mexicains.
Rodo Padilla dans son atelier à Tlaquepaque. (Photo Tristan Delamotte)
Sorties du moule ou du four, des figurines en terre trônent dans l'atelier. Certaines sont en train de sécher, d'autres attendent le coup de pinceau qui leur donnera ces couleurs et ces vernis fabriqués sur place. Vingt-cinq employés travaillent ici. Ceux qui ne connaissent pas la céramique en arrivant apprennent peu à peu les différentes techniques, d'autres créent leurs propres oeuvres. L'atelier de Rodo Padilla, à Tlaquepaque, dans l'Etat de Jalisco, n'est pas une école d'artisanat en soi, mais le partage des connaissances et des matériaux peut y faire penser. Le travail en commun, la diffusion du savoir.
Rodo Padilla s'est pourtant longtemps refusé à reprendre l'héritage familial. Dans les années 1960-1970, Tlaquepaque était une véritable plaque tournante de la poterie : figurines décoratives, pots, crèches... "On trouvait entre 15 et 20 ateliers dans un rayon de 500m autour de celui de mon père, se souvient Rodo. C'est un métier difficile, je le voyais s'échiner au travail. Petits, avec mes frères, nous l'aidions. Nous peignons des yeux tout l'après-midi sur les figurines au lieu d'aller jouer. Ce n'était pas très drôle, je n'aimais pas ça." Tonalá a depuis supplanté Tlaquepaque, plus touristique maintenant (lire notre article), même si elle aussi est en perte de vitesse.
L'art de la céramique japonaise
Une fois diplômé en génie industriel, Rodo s'en va découvrir le monde. Sac au dos, il part en Amérique du sud et aux Etats-Unis. Des voyages de 4 à 6 mois. Il ne rentre que pour gagner un peu de sous et rependre la route. "Je donnais des cours de natation ou je vendais des fromages et je repartais", sourit-il. L'envie lui vient de se rendre au Japon. Son père lui apprend qu'il existe une bourse en ingénierie céramique... Tant pis, Rodo la décroche et fonce, trop heureux de voir du pays. Une fois là-bas, entre études et rencontres, il comprend ce qu'est réellement la céramique et y prend goût. Son séjour terminé, retour au bercail. Le paternel est content, mais Rodo sent qu'il doit encore se perfectionner. Avec 320 dollars en poche, il prend un camion pour les Etats-Unis, puis un cargo pour le Japon, à nouveau. Il travaille jour et nuit pour se payer ses études de céramique à l'université. La nostalgie lui tombe dessus. L’allégresse de ses compatriotes lui manque. "Je sentais que je perdais ma personnalité", confie-t-il.
Rodo rentre donc à Tlaquepaque, se marie, donne des cours de céramique, fabrique des tasses de café en terre cuite... Et puis le démon du voyage le reprend. Avec sa femme, ils partent en Argentine, puis en Italie. Rodo s'inscrit dans un cours de céramique. "Mais je me suis trompé dans l'intitulé, je me suis retrouvé dans un cours de sculpture, rigole-t-il. Je ne savais pas dessiner." Il s'accroche et poursuit ses études. Le couple survit de petit boulot en petit boulot. Au bout d'un an, ils retournent s'installer définitivement au pays.
Les effets de la mondialisation
En marge de son activité de fabrication de tasses qui fait vivre sa famille, Rodo met en pratique les techniques japonaises qu'il a apprises en sculptant pendant son temps libre. Ce n'est que par l'intervention d'un prêtre, venu lui demander un jour un cadeau spécial et tombé sous le charme de l'une de ses créations, qu'il se rend compte du potentiel. Vint ensuite un autre client, puis une galerie qui lui propose une exposition.
En 1993, le contexte économique fait qu'il doit arrêter sa production de tasses, cela lui revient trop cher d'exporter. "Je vendais 95% de mes tasses aux Etats-Unis", explique-t-il. Rodo se met ainsi à dessiner ce qu'il appelle des gorditos, qui ont depuis fait sa renommée. "Plus je voyageais, plus je me sentais mexicain, souligne-t-il. Et je voyais plus les bons côtés que les mauvais. Le gordito représente l'allégresse, l'amabilité et la simplicité des Mexicains que j'admire. C'est ce que je veux transmettre." Lorsque le peso se dévalue, c'est une bouffée d'oxygène pour lui, et il reprend ses tasses. Un ami lui propose alors d'exposer ses gorditos lors d'une foire, un succès.
Son atelier grandit, Rodo va jusqu'à employer 96 personnes et à envoyer plus de 10 000 tasses par semaine aux Etats-Unis. Mais la mondialisation et la concurrence chinoise mettent finalement un coup d'arrêt à sa production. "Je vendais une tasse 2 dollars et les Chinois 80 centimes, déclare-t-il. On ne peut pas les concurrencer. Pour survivre, il faut miser sur la qualité et la créativité." Il se dédie depuis à ses gorditos, dessine ses propres modèles et aime à se renouveler sans cesse en créant d'autres sculptures. Il utilise aussi le bronze, le fer, le marbre, le bois... "Cela me divertit et me suffit pour vivre, je suis heureux", affirme-t-il.
Artisan-artiste, un artisan travaillant avec ses mains et un artiste s'exprimant avec son cœur comme il le définit, Rodo se nourrit de tout ce qu'il a appris à droite et à gauche lors de ses voyages. Son frère Juan s'occupe des ventes et de la partie administrative. Outre la boutique dans le centre de Tlaquepaque, Rodo vend aussi ses créations à Puerto Vallarta et à Mexico. Son autre frère, Paco, musicien reconnu, possède également un atelier de céramique dans lequel travaillent aussi ses enfants depuis quelques années. Quant à ceux de Rodo ? L'avenir le dira. La tradition familiale se perpétuera peut-être...
Le site Internet de Rodo Padilla.
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